Le discours du Premier ministre cet après-midi a apporté des précisions concernant le déconfinement progressif à partir du 11 mai. Ces annonces sont évidemment bienvenues. Cependant de nombreuses interrogations et contradictions demeurent, et non des moindres.
Comment est-il possible qu’un mois et demi après le début du confinement on ne comprenne toujours pas, si, oui ou non, tous les Français seront bien équipés en masques ? Nous demandons que le port du masque soit une obligation devant être garantie par l’employeur à ses salarié.es, les règles de distanciation physique ne suffisant pas à se protéger convenablement, notamment en ce qui concerne le commerce. Le dialogue social doit permettre, dans chaque entreprise, de déterminer les conditions de la reprise d’activité. En l’absence de ces garanties l’exercice du droit de retrait par des salariés serait parfaitement légitime. Il serait également logique que l’inspection du travail voit ses moyens renforcés pour contrôler l’application de ces mesures, qui autrement risquent d’être ineffectives dans de nombreux cas.
D’autre part, chaque Français.e doit pouvoir se procurer un masque gratuitement, c’est la condition de l’égalité face à la santé et cela doit être rendu possible par le gouvernement qui a su mobiliser des sommes gigantesques pour soutenir les acteurs économiques.
Concernant la réouverture des écoles le flou est encore total, notamment sur le protocole sanitaire à mettre en œuvre par les collectivités. Ce manque d’information est inacceptable car il fait peser sur les familles la décision de la reprise de leurs enfants. Par ailleurs, il est dommageable que le gouvernement n’ait pas déterminé de critère sur l’accueil des enfants à l’école, alors que ce sont les élèves issus des milieux les plus modestes qui pâtissent le plus des modalités de l’école à distance.
Une incohérence majeure nous semble devoir être corrigée : dans les départements où le virus circule, on ne pourra pas ouvrir les parcs et autres espaces verts, alors que les centres commerciaux de moins de 40 000 m2, plus propices à la propagation de l’épidémie parce que clos, seront, eux, rouverts. Pour ces territoires, il faut soit rouvrir les parcs en faisant respecter les gestes barrières, soit maintenir les centres commerciaux fermés, sauf à comprendre que la santé de nos concitoyens serait moins importante que la préservation des grandes enseignes, par ailleurs moins fragiles que les petits commerçants dans la période actuelle.
L’articulation du déconfinement avec les collectivités locales semble pour le moins légère. Il est déraisonnable d’attendre d’elles qu’elles organisent en 4 jours (entre le 7 et le 11 mai) la réouverture ou non de services publics, des commerces, de parcs, de bibliothèques, de musées, ainsi que l’organisation de l’accueil des enfants et des tous petits, tout en mobilisant leurs agents pour participer aux cellules de détection des cas Covid comme cela a été indiqué par Edouard Philippe. C’est encore plus déraisonnable d’imaginer qu’elles seront en mesure de le faire de manière sécurisée sans moyens supplémentaires.
Encore une fois la méthode est problématique : non, le premier ministre n’est pas « trop aimable » de venir présenter ce plan devant les parlementaires de la France. C’est la moindre des choses, et on aurait pu attendre une implication bien plus grande du parlement dans une situation aussi grave. Pour éviter de reproduire les erreurs du passé, il est indispensable que les parlementaires, les corps intermédiaires notamment les syndicats, soient régulièrement informés et impliqués dans le suivi du déconfinement.
Les Français.es qui ont été extrêmement discipliné.es ne peuvent porter par leur seul civisme la responsabilité de l’efficacité du déconfinement jusqu’à la prochaine étape.
Les moyens, l’acheminement du matériel de protection à tous les Français.es, les postes, doivent être au rendez-vous. Pour l’heure ce n’est pas le cas. L’absence de vision de long terme du gouvernement est enfin palpable, en témoigne l’occultation de la problématique écologique, alors que de nombreuses collectivités s’emparent du développement du vélo comme mode de déplacement, et que citoyennes et citoyens demandent, nombreux, que l’après confinement ne soit pas comme l’avant. Où sont les moyens nécessaires pour renforcer et recruter dans les services publics, soutenir encore plus l’hôpital public, faire respecter les mesures sanitaires dans les entreprises, aider les collectivités à faire face à la réouverture des écoles et des services publics ainsi qu’à soutenir le commerce local ? Nulle part, et c’est bien là le problème.
aucun commentaire
Écrire un commentaire