Avant même la fin des épreuves de la session 2021, d’un Bac qu’il présentait alors comme « simplifié et remusclé » (sic), le ministre de l’Éducation nationale en a annoncé une nouvelle réforme. Cette fois, ce sont les épreuves communes en contrôle continu, E3C pour les intimes, qui passent à la trappe pour être remplacées par un contrôle continu local (avec, nous dit-on, un « cadrage national »). Certes, ces E3C étaient source de stress pour les élèves et de désorganisation des établissements et des apprentissages. Quoi d’étonnant puisque c’est le ministre lui-même qui les avait instaurées ? Faudrait-il pour autant se réjouir béatement de leur disparition?
Car ce qui se joue, c’est l’accentuation du caractère local, et, pour tout dire, accessoire, du baccalauréat.
Dorénavant, 40% des points seront attribués par la moyenne des moyennes de certaines matières (Histoire-Géographie, Langues vivantes, EPS, et Enseignement scientifique commun) sur 2 années. Les 60% restants viendront des notes de littérature (épreuves en fin de 1ère), des deux spécialités (épreuves au mois de mars en Terminale, temporalité pédagogiquement inepte mais le ministre tient à ce calendrier) et, en fin de Terminale, de la philosophie et du Grand Oral. En d’autres termes, le bac « régénéré et national » (sic) sera composé à 40% d’évaluations certificatives locales.
Et encore ! Avant d’enterrer formellement le bac en 2022, le ministre est responsable de son saccage en règle pour cette session 2021. Les conditions de passage du Grand oral ont été hallucinantes, avec des jurys bricolés à la dernière minute, parfois sans aucun enseignant ayant enseigné dans l’une ou l’autre des spécialités des candidats. Celles de la correction de l’épreuve de philosophie ont été désastreuses : numérisation (non maîtrisée) des copies pour contourner une possible grève, ordres de mission parfois en pleine nuit pour le matin même, lots de 30 dissertations livrées en suppléments des précédents lots corrigés, avec un délai de correction de 24h! Il y a également beaucoup à dire sur l’organisation des épreuves de littérature en 1ère. Sur l’air maintenant bien connu du « nous sommes prêts », le ministre a réduit l’ensemble des personnels mobilisés à exécuter des ordres ineptes dans des conditions indignes pour tout le monde. Le cortège des témoignages est sidérant. C’est une maltraitance générale des personnels qui a eu lieu, à tous les niveaux, et au bout du compte un mépris des métiers et des missions du service public d’éducation, et un mépris du travail des élèves.
Parcoursup, réforme du lycée, réforme du bac : Jean-Michel Blanquer a transformé le lycée en machine à trier, sélectionner, et exclure.
Mais la réforme du bac dernière mouture vient comme une nouvelle étape dans un processus visant à faire table rase du bac national, 1er diplôme du supérieur.
Le dispositif « Parcoursup », combiné à l’absence de création de places dans le supérieur (il en manque 100 000!), transforme les deux dernières années de lycée en une compétition dans laquelle chaque note compte (et fait de chaque note un sujet de stress) pour obtenir un bon classement. Dans cette perspective, l’obtention du bac – surtout si la plupart des matières sont en contrôle continu – n’en est plus qu’une ombre portée.
Le réforme du lycée, elle, individualise les parcours et, sous couvert de construction libre et personnelle, génère atomisation et concurrence. La disparition, à partir de la 1ere, du groupe classe perturbe les plus fragiles, et fait perdre à l’ensemble des élèves les bienfaits tant sociaux que pédagogiques du partage et de la coopération entre pairs.
Voilà la conception inculquée aux citoyennes et citoyens en devenir : se préparer à une société de la concurrence et de l’évaluation permanentes. Et tant pis pour celles et ceux que ce jeu écrase, à un âge charnière dans la constitution de leur personnalité.
Jean-Michel Blanquer les relègue dans des voies qu’il a contribuées à fortement dévaloriser comme en atteste le sort qu’il a réservé aux lycées professionnels, au lieu d’en faire le fer de lance des métiers de notre avenir.
Le désengagement de plus en plus flagrant de l’État vis-à-vis des études supérieures vient étrangler le lycée, et en faire un lieu toujours plus excluant. Par ruissellement rétrograde, le collège en pâtit désormais comme en témoignent les inquiétudes des familles pour les affectations en sortie de 3ème.
La réforme du bac est un clou de plus sur le cercueil de la promesse républicaine de l’égalité.
Pour une École républicaine et démocratique au service de la cohésion sociale
Voulons-nous vraiment une société qui cherche à organiser la guerre de tous contre tous dès le lycée et même le collège? Qui méprise les possibilités de progrès des élèves, leur travail et leur rythme d’apprentissage ?
Voulons-nous vraiment une société où tout devient, dès le plus jeune âge, l’objet d’une évaluation certificative, avec des évaluations qui cataloguent, classent, excluent au lieu de guider?
Voulons-nous d’une École qui soit de plus en plus un lieu de stress et de souffrance psychologique, pour les élèves comme pour les enseignant-e-s que le contrôle continu et Parcoursup placent en première ligne ?
Ou bien, voulons-nous laisser à nos enfants, à nos adolescentes et adolescents le temps d’apprendre, de tâtonner, d’expérimenter, de questionner, de comprendre, de construire, d’inventer ?
La défiance envers la démocratie s’explique aussi par la rupture de la promesse que contient l’École républicaine. Le bac local, conjugué à Parcoursup, sont une porte claquée au visage de toutes celles et ceux qui comptent sur la tenue de cette promesse, celle de l’Égalité, pour s’émanciper.
Il est urgent de reconstruire l’École, sa culture comme son fonctionnement. Il est urgent de réparer les dégâts des réformes macronistes, de bâtir une École démocratique, une École de la coopération, une École respectueuse de chacune et de chacun, une École construite avec les enseignantes et les enseignants et pour l’ensemble des élèves.
Nous voulons une École au fondement d’une démocratie retrouvée, une École qui soit au cœur de la transformation sociale et écologique. C’est ce que Génération-s, ses militantes et ses militants porteront dans les rendez-vous politiques de 2022.
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